Mon cour sera constitué d’interviews et de conversations collectives enregistrées puis retranscrites à l’écrit. Ces “situations d’enregistrement” prendront place dans des lieux ou des moments spécifiques et seront engagées par des invitations formelles.
Sur invitation
Extrait de Interview n° 4 : Kengné Teguia
KT : Tu serais d’accord de lire un extrait de Dracula ?
KT : Oui, tu m’avais parlé d’un passage, je l’ai consulté. Donc tu veux que je le fasse sans mes implants ?
FLG : On peut essayer?
KT : Bien sûr!
FLG : Alors ce passage là… jusqu’à gueule de l’enfer.
KT : D’accord… Journal du docteur Seward (enregistré au phonographe.) Assez déprimé aujourd’hui, comme on dit, la marée est basse! Impossible de manger quoique ce soit et même de dormir, donc je me rabat sur mon journal. Depuis que je me suis fait proprement rabrouer hier, je sens comme un vide en moi. J’ai l’impression que rien au monde ne vaut la peine d’être fait. Comme je sais que l’unique remède à ce genre de mal est le travail, je me suis rendu auprès de mes patients et en ai choisi un qui m’offre un sujet d’étude des plus intéressants. Il est si particulier que je me suis engagé sur son cas du mieux que je pourrai. Aujourd’hui justement, j’ai l’impression d’approcher, pour la première fois, le coeur du mystère. Je l’ai interrogé comme jamais avant dans le but de saisir toutes les facettes de son hallucination. Je me suis montré, je m’en rends compte maintenant, assez cruel dans mon approche. Je faisais comme si je voulais le maintenir dans son état de folie, ce que j’évite généralement de faire avec les autres malades comme je me garderai d’approcher la bouche de l’enfer.(Mémo: Dans quelles circonstances n’éviterais-je pas de m’approcher de la gueule de l’enfer ?)
FLG : Merci.
KT : Je remet mes implants… Hop!
FLG : Comment fonctionnent tes oreillettes ?
KT : Plus précisément, ce sont des implants cochléaires. On m’a ouvert l’oreille. C’est d’abord un implant interne relié au nerf auditif, et l’autre partie s’aimante sur le cuir chevelue. Il y a donc une partie qui se pose sur l’oreille, et l’autre qui s’aimante plus haut sur le cuir chevelu, au niveau de l’implant interne.
FLG : Ton oreille capte t-elle toujours les sons ?
KT : Non justement. C’est complètement robotisé. Sans les implants, je n’entend plus rien. La prise de son se fait à travers la partie posée sur l’oreille. C’est là que l’information entre. L’aimant transmet ensuite l’information au nerf auditif, qui transmet au cerveau.
FLG : Avant d’avoir été implanté, tu étais sourd à 100% ?
KT : Non, à 80%. Je portais des appareils auditifs, qui amplifient le son. Quand j’enlevais mes appareils, je n’entendais que les bruits sourds. Quand on te pose des implants, on te tue l’oreille. C’est complètement bionique en fait… Ça ne peut pas être les deux en même temps.